Tu as créé ton entreprise, ou tu as trouvé ton idée de business, entre l’euphorie et la peur de se lancer, tu as de nombreuses tâches à faire et une multitude d’interrogations. Tu fais peut-être parti, comme pas mal d’entre nous, de ceux qui font l’impasse sur le dépôt de sa marque. Les raisons peuvent être diverses d’ailleurs : le manque d’informations, manque de temps donc report à plus tard. Ou encore tu es sûr de l’originalité du nom choisi ou au contraire qu’avec son utilisation populaire mais orthographié différemment, ça passe.
Tu démarres donc sans ce fameux dépôt de marque , et en fait tu t’exposes directement à des risques et pas sans moindres conséquences :
La contrefaçon : si une entreprise s’aperçoit que tu utilises sa marque, tu prends « le risque d’être poursuivi en justice par le titulaire de la marque antérieure (même si cette dernière n’est pas identique) à partir du moment où elle engendre une certaine confusion dans l’esprit du consommateur. Le Tribunal demandera l’annulation ainsi que le versement de dommages et intérêts au titulaire de la marque antérieure (source INPI)
Sans ce dépôt, n’importe quelle personne peut utiliser le même nom et tu n’auras aucun moyen juridique de l’attaquer.
Pour illustration, je te propose deux histoires :
L’affaire NEYMAR : en 2013 un particulier enregistre sa marque de vêtements et chaussures sous la marque NEYMAR. En 2016 le joueur professionnel de foot NEYMAR demande la nullité de l’enregistrement de cette marque, demande qui a été acceptée et la marque a été annulée pour mauvaise foi du particulier. Ce dernier a formé un recours (il y tenait le gars dis donc 😅) en avançant qu’au moment du dépôt de sa marque en décembre 2012 , Neymar n’était pas encore connu en Europe donc qu’il n’était pas de mauvaise foi. La décision de justice est restée favorable à Neymar.
Si cette histoire peut néanmoins nous faire sourire, il faut que tu puisses comprendre que ça peut encore aller plus loin avec les risques d’usurpation entre autres . Et tu peux tout perdre , c’est ce qui est arrivé à la créatrice de « Maman au chocolat », Catherine Bréard, pionnière de la mousse au chocolat au Japon. Elle a quitté un poste sécurisant à Pôle Emploi à 59 ans , investi toute son épargne retraite pour se consacrer, avec son époux à sa passion d’enfance , la pâtisserie.
Ils ont développé leur marque à Tokyo avec succès .
Plus de 400 pots des mousses vendus par jour lors des opérations événementielles qu’ils organisaient. Des petits pots flanqués d’un drapeau français avec des petits sésames ornés du portrait de Catherine aux traits manga, avaient gagné les cœurs et les papilles des Japonais (Source : Le Parisien)
En Octobre 2019, un grand groupe international intente une action en justice pour leur demander d’abandonner le nom « maman au chocolat »
Déboutés à tous les procès, ils ont renoncé à se pourvoir en cassation avec l’obligation de changer de nom avant la fin janvier 2020. Ils ont eu à refaire tous les supports et le packaging. Ils avaient des engagements avec des entreprises nippones dont les catalogues étaient imprimés et on leur demandait déjà des pénalités ! »
Sacrée histoire avec une heureuse finalité ,car ils ont vite réagi en lançant une cagnotte en ligne pour faire face aux différents frais .
7 000 euros ont ainsi été récoltés. Le jeudi 6 février 2020, Catherine et son mari sont fièrement allés déposer les statuts de leur nouvelle société. Exit Maman au chocolat donc, la marque : Catherine Bréard, prend le relais.



« Maman au chocolat c’était le nom choisi par mon fils ; il évoque notre histoire, le fait que c’est lui qui m’a poussée à vivre de ma passion pour la pâtisserie et abandonner tout ici pour aller m’installer au Japon. Avec Catherine Bréard, on reste sur l’idée d’une histoire personnelle que je peux raconter. »
Comme dans les contes de fée, je peux terminer par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».Ils ont en effet été contactés aux États-Unis pour installer leur marque un peu comme ils l’avaient fait au Japon. Ils ont également des projets de développement au Japon, des partenariats en France et ainsi que sur le marché américain .
Et cerise sur le gâteau, Catherine a reçu un coup de fil très sérieux pour une adaptation de son histoire au cinéma.
« Franchement, je n’y croyais pas et en fait c’est lancé, je ne peux pas en dire plus aujourd’hui, mais voilà, la roue tourne ! » Catherine Bréard.
Comme quoi, ne négligeons pas ces questions liées à la protection intellectuelle et droit des marques. Une nouvelle loi de 2020 instaure une procédure administrative devant l’INPI, permettant de remettre en cause les marques qui ne seraient pas valables ou susceptibles de déchéance (Art. L.716-1 CPI).
Jusqu’à présent, dix tribunaux judiciaires (ex-TGI) avaient compétence exclusive pour connaitre des demandes de nullité ou de déchéance de marques françaises (Art. D. 211-6-1 Code de l’organisation judiciaire, Annexe tableau VI).
Depuis le 1er avril 2020, s’opère une répartition des compétences entre ces tribunaux et l’INPI .
Pour aller plus loin
https://www.inpi.fr/fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/la-marque
https://www.village-justice.com/articles/procedures-nullite-decheance-aupres-inpi,34779.html
Article intéressant ! Je suis auto entrepreneur depuis 3 ans et c’est vrai que je ne m’y suis pas penché, faudrait que je commence à voir ça…