Commencer à vendre à l’export ne requiert pas nécessairement que vous soyez un expert du commerce international, mais juste que vous ayez les bons réflexes avant de vous lancer tête baissée dans l’aventure. Voici donc quelques conseils avisés pour faire de votre première expérience une réussite.
Qui ne s’est pas réjoui d’avoir une demande entrante spontanée d’un client export pour ses services ou ses produits ? Qui n’a pas rêvé de dépasser les frontières nationales pour aller voir ailleurs si l’herbe n’est pas plus verte… Rien n’est plus légitime, notamment quand on sait que le marché intérieur Français ne représente que 3% du PIB mondial. Il y a donc du chiffre d’affaires à aller chercher en dehors de l’hexagone. Mais pour autant, vendre à l’export n’est pas un simple « copier coller » de vos pratiques domestiques. Un exportateur averti en vaut deux !
Tous les pays ne sont pas faciles d’accès, contrairement à des croyances solidement ancrées. On parle beaucoup d’Eldorados en pensant à la Chine ou au Brésil, mais la réalité est bien autre quand on rentre dans le vif du sujet et plus d’un entrepreneur s’est cassé les dents en cédant au chant des sirènes de certains pays, avec à la clef un échec commercial, mais surtout une perte financière non négligeable. Pourquoi alors la Chine et le Brésil, bien que représentant des viviers de clients potentiels substantiels, jeunes et avec un pouvoir d’achat non négligeable, sont-ils de mauvais choix pour un néo-exportateur ?
Tout simplement parce que livrer en Chine ou au Brésil comporte de nombreuses contraintes : ce sont des exemples types de pays qui appliquent ce qu’on appelle des Barrières Non Tarifaires (Non Tariff Barrier ou NTB en anglais) à l’importation de biens : quotas, licences d’importation, homologation des produits, normes locales, corruption, etc. Un coût indirect, souvent invisible et très difficilement calculable en amont, que l’on n’identifie donc pas forcément de prime abord. A ces NTB s’ajoutent toutes les Barrières Tarifaires usuelles qui font vite grimper le prix de vos produits sur le marché local : droits de douane très élevés qui ne sont pas de surcroît les mêmes pour tous les produits, il faut donc penser à raisonner en code douanier (et donc déterminer avant même la facturation lequel s’applique à vos produits). Et puis, travailler avec la Chine ou le Brésil, c’est aussi devoir comprendre les mécanismes interculturels, les spécificités locales en termes d’us et coutumes, négocier différemment qu’avec un client français, anticiper les risques de paiement, etc.
Sur quelle base faut-il choisir les pays vers lesquels exporter ? La réponse est dans la question : il faut choisir, donc décider volontairement d’aller dans un pays et s’y préparer. Voici quelques conseils pour gérer au mieux vos choix d’internationalisation. Attention, je n’aborde ici que l’angle import/export du marketing international, cela ne dispense nullement l’entrepreneur de faire une étude de marché (clients, concurrence, distribution, parties prenantes, etc.) préalable pour s’assurer que son offre est bien en adéquation avec les attentes du marché local !
- Le pays a t’il des facilités pour l’importation de mes produits ou comporte-t-il au contraire de nombreuses barrières à l’entrée ?
L’Union Européenne est un vivier non négligeable de clients potentiels avec des risques limités et surtout une quasi absence de contraintes logistiques. Stabilité politique et économique, absence de taxes douanières, facilitation des démarches administratives, normes communes, etc. Il vous faudra juste bien appréhender la réglementation en termes de TVA intra-communautaire et les implications en termes de DES (Déclaration d’Echanges de Services) et de DEB (Déclaration d’Echanges de Biens).
Hors Union Européenne, de nombreux pays facilitent l’importation des produits « made in France » ou « made in EU » en appliquant des taux de douane réduits ou nuls. Ce sont ce que l’on appelle les accords d’origine préférentielle (Free Trade Agreements en anglais ou FTA) dont la liste est vérifiable auprès des Douanes. La seule contrainte qui s’applique est celle de la déclaration d’origine des marchandises, soit directement sur facture en deçà de 6000 €, soit via un document appelé EUR1 qui accompagne les biens au delà de ce montant. Attention néanmoins à s’assurer de l’origine exacte des produits exportés ! Il faut qu’une transformation substantielle ait lieu sur le territoire français ou européen pour conférer l’origine « made in Fance » ou « made in EU ». Par exemple, rajouter des boutons en France sur une chemise produite au Bangladesh ne lui confère nullement l’origine France !
- Le pays comporte t’il des risques non tarifaires, tels que politiques, administratifs, de corruption, etc ?
Il existe des études publiées annuellement qui vous aident à appréhender ce type de difficultés : le Doing Business Report qui classifie les pays selon leur degré d’accessibilité et de facilitation administrative et le Transparency International Index qui répertorie les pays selon leur degré de corruption. A ce titre, Singapour est un exemple parlant : sa législation très souple pour les entreprises étrangères en fait un lieu de développement à l’international idéal, tandis que sa situation géographique ouvre les portes de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), marché très prisé pour le développement économique rapide de ses 10 pays membres (notamment la Thaïlande, l’Indonésie et les Philippines).
- Comment se gère un potentiel conflit juridique avec un client du pays ciblé ?
Que vous commercialisez des biens ou des services, le risque juridique existe bel et bien. Plus vous vous éloignez géographiquement, plus la résolution des litiges peut se compliquer. Quel tribunal de compétence ? Quel droit ? En toute logique, en tant qu’exportateur vous aurez tendance à demander un Tribunal de Commerce local et le droit français… et en toute logique aussi, votre client demandera un Tribunal de Commerce dans son pays et son droit national… Il n’y a pas de règle qui s’impose de facto, puisque selon le principe de la liberté de forum, chaque partie à un contrat peut librement décider du tribunal compétent et du droit qui s’appliquent. Mieux vaut donc choisir des pays dont la forme de droit est proche de la vôtre (la France applique le Droit Civil qui se base strictement sur les codes et textes officiels, alors que les USA et la majorité des pays anglo-saxons appliquent la Common Law et considèrent les décisions judiciaires, donc la jurisprudence, comme la source la plus importante de la loi) ou des pays où l’arbitrage est possible et surtout bien rédiger les contrats en connaissance de cause.
- Comment anticiper le risque financier ?
Tous les risques liés aux paiements doivent être étudiés pays par pays et toutes les sécurités prises. Les transactions avec l’étranger sont parfois fort compliquées surtout quand vous vous attaquez à des pays éloignés, qui opèrent avec une devise autre que la vôtre ou dont la monnaie est très (trop) fluctuante (et oui, le risque de change n’est pas à prendre à la légère). Il faut prendre en considération le fait que le recours aux procédures de recouvrement est plus aisé dans son propre pays que lorsque l’on travaille avec un créancier situé à des milliers de kilomètres, dans un pays de droit, de culture et de langue différente. Par ailleurs, à l’export, certains moyens de paiement sont à éviter absolument. C’est le cas notamment du chèque, pour cause de délais de traitement, de risques de vol, d’insolvabilité, ou encore de falsification. Si vous n’êtes pas à l’aise avec des méthodes telles que le crédit documentaire ou la lettre de crédit qui sécurisent au maximum vos opérations à l’international, privilégiez les pays où le virement bancaire SWIFT se pratique aisément (mais étudiez-en au préalable les coûts bancaires à réception), demandez toujours un acompte voir le paiement total par avance et sécurisez éventuellement la créance via un assureur crédit si celle-ci est importante.
- Comment puis-je me renseigner sur les spécificités de chaque pays ?
Tout bon exportateur doit penser à chercher des informations, notamment réglementaires, sur le pays où il veut exporter. De nombreux sites, gratuits ou payants, vous fournissent des mines d’informations : le MOCI, la CCI, les Douanes, BPI France, Business France, les assureurs crédits tels que la Coface ou Euler Hermes, etc.
Vous l’aurez compris, la base même d’une première exportation réussie, c’est la préparation et la connaissance préalable des règles et spécificités du pays. Mieux vaut viser dans un premier temps un pays facilement accessible car peu contraignant, nécessitant peu d’adaptation, peu de paperasserie administrative, proche géographiquement, culturellement, voire linguistiquement dans l’idéal, avec des barrières tarifaires moindres ou nulles et sans barrières non tarifaires, afin de se faire la main avant de s’attaquer à des mastodontes du commerce international, plus contraignants, mais avec un ROI plus important dès lors que l’on est bien armé pour y aller. C’est ce que l’on appelle l’effet d’apprentissage et aussi l’internationalisation séquentielle (un peu comme un jeu de dominos où chaque domino représente un pays que vous conquérez avant d’en attaquer un autre).
Dans un prochain article sur les facteurs clefs de succès à l’international, nous aborderons les points de vigilance, la do-to-list et les compétences clefs à considérer pour le néo-exportateur.