Nous l’avons vu dans un précédent article, la démarche d’internationalisation d’un entrepreneur doit être pensée, préparée en amont et structurée. Mais quelles sont les bases même de cette démarche ? A quoi faut-il penser précisément ? Quels sont les points de vigilance à prendre en considération ? Quelles compétences requiert l’internationalisation ? Voici donc une petite check-list à l’attention des néo-exportateurs.
Commençons par la base de la base, qui est tellement évidente que beaucoup d’entrepreneurs pressés (et pourtant, on l’a déjà dit, on ne se jette pas tête baissée dans une première aventure à l’export) passent hélas à côté : Do You Speak English ? Bah oui me répondrez vous, car nous sommes des entrepreneurs éduqués. Très bien vous rétorquerai-je, vous avez donc bien pensé à traduire l’ensemble de vos outils de communication (brochure de présentation, site internet, cartes de visite, etc.) et vos documents juridiques (CGV, contrats, devis, factures, etc.) en anglais ? Travailler à l’export, ce n’est pas que parler et rédiger des courriers en anglais, c’est communiquer au sens large du terme avec vos prospects et clients, d’où la nécessité d’avoir tous vos supports d’entreprise traduits en amont. Une fois le poisson ferré, vous ne le ferez ainsi pas patienter le temps de traduire les outils qui vont conclure le deal. Obvious, isn’t it ?
Seconde étape : ma marque est-elle protégée en dehors de mon pays ? Je rappelle ici que même si vous ne commercialisez pas de produits, mais des services, votre nom commercial est une marque. S’assurer que d’autres entreprises à l’international n’exploitent pas un nom de marque identique est indispensable pour deux raisons : anticiper de votre côté les risques de copie, de contrefaçon, d’usurpation ET ne pas vous retrouver vous même accusé de ces délits par quelqu’un qui aurait déposé votre nom à posteriori dans un pays où vous avez commencé à vendre sans prendre les précautions nécessaires. Je vous assure que cela arrive même aux gens très bien et je connais personnellement quelques grandes entreprises qui ont commencé à vendre en toute confiance dans un nouveau pays sans protéger leur marque en amont. Sachez qu’il y a des petits malins dont l’exploitation des failles de propriété intellectuelle est le gagne pain. Ils repèrent les entreprises qui s’implantent, déposent la marque à leur place et bloquent son exploitation locale. Il vous faudra alors prouver devant un tribunal étranger l’antériorité de votre marque sur le territoire. Je vous épargne les tracas juridiques qui en découlent pour que cela finisse souvent par une transaction financière qui vous permettra de vous réapproprier les droits sur votre marque. Ah l’export, un univers impitoyable.
Bref, pensez à déposer votre marque et éventuellement tous les signes qui s’y rattachent (slogan et baseline, logo, sons et jingles, etc.). Pour ce faire, adressez-vous à l’INPI et à l’OMPI. Il existe des procédures simplifiées qui couvrent plusieurs pays en un dépôt comme le Protocole de Madrid, mais n’hésitez pas sur certains pays potentiellement litigieux comme la Chine à déposer en local. Et par ailleurs, pensez aussi à réserver tous les noms de domaine avec des extensions clefs avec le nom de votre marque, même si vous ne les exploitez pas, au moins d’autres ne le feront pas à votre place. C’est facile, c’est pas cher et cela peut rapporter gros comme dirait la FDJ.
Et côté administratif, cela donne quoi ? Difficile d’exporter (ou d’importer d’ailleurs), sans avoir de numéro de TVA intracommunautaire et de numéro d’EORI. Pensez donc à les demander à l’administration fiscale en amont. Et puis, comme expliqué dans un premier article, il vous faudra déclarer vos échanges de biens et de services intracommunautaires tous les mois sur Pro Douane (les fameuses DES et DEB) dans le cadre de la procédure d’auto-liquidation de la TVA : créez donc votre compte en avance ! Et d’ailleurs, familiarisez vous aussi avec les règles de facturation de la TVA qui ne sont pas les mêmes si vous vendez sur votre marché national que si vous vendez au sein de l’UE ou encore que si vous vendez au grand export !
D’ailleurs, la Douane, elle dit quoi ? Les douaniers vont devenir vos amis pour la vie si vous exportez des biens (si, si). Si vous ne voulez pas déclencher leur courroux, pensez donc à déterminer correctement quel est le code HS (acronyme de Harmonized System) de vos produits : c’est un code de reconnaissance internationale. Il est utilisé principalement dans l’établissement de la nomenclature douanière et la collecte des statistiques du commerce mondial. Il va concrètement déterminer l’espèce tarifaire de vos marchandises et le montant des droits de douane qui s’y rattachent. Enfin, par rapport aux règles d’origine préférentielle expliquées dans un premier article, si vous avez une production Made in France ou Made in EU et que vous visez des pays avec lesquelles l’UE a des accords commerciaux, cela vaut le coup de vous renseigner sur le statut d’exportateur agréé qui simplifiera vos démarches et vous donnera un crédit non négligeable auprès de vos clients et prospects.
Jusque là, tout va bien (enfin j’espère). Venons en au noyau dur de l’exportation. Cela requiert quelques compétences basiques en commerce international.
Tout d’abord, quand vous commercialisez des biens (ou quand vous en achetez de l’étranger), vous devez déterminer quel Incoterm va s’appliquer à la vente. Incoterm est la contraction de l’expression anglaise INternational COmmercial TERMS : c’est un terme normalisé qui sert à définir les droits et devoirs des acheteurs et vendeurs participant à des échanges internationaux. En un mot : qui prend en charge le transport, les formalités de douane export, de douane import, les frais d’assurance, etc. Familiarisez vous avec ces Incoterms auprès de la Chambre de Commerce Internationale qui les définit afin de déterminer celui qui sera le plus facile à gérer pour votre structure (souvent le fameux Ex Works ou EXW ou départ usine pour les néo-exportateurs).
Ensuite, vous allez avoir besoin d’émettre des documents quand vous allez exporter vos biens. La liste est longue : des documents de transport comme la LTA (lettre de transport aérien) ou la Bill of Lading (connaissement maritime) et des documents douaniers comme l’EX1, le Certificat d’origine et l’EUR1 le cas échéant. Renseignez vous auprès des Douanes en cas de doute et faites vous accompagner par votre transitaire/transporteur et/ou par un déclarant en douane à qui vous pouvez donner des procurations.
Et comment on fait pour se faire payer par un client à l’autre bout du monde ? C’est un point de vigilance presque primordial : tout bon exportateur doit être à l’aise avec les différents modes de paiement qui régissent les échanges internationaux. Sans devenir un directeur financier pour autant, familiarisez vous avec des termes comme loi LME, lettre de change, crédit documentaire, affacturage, assurance crédit, virement SWIFT, etc. N’hésitez pas à vous rapprocher de votre banque pour des conseils en la matière. Si vous êtes néo-exportateur, sécurisez vos paiements : ne donnez pas de crédit au client tant que cela est possible en termes de négociation, faites vous payer un acompte et le solde avant livraison.
Et pour terminer, last but not least, l’une des compétences primordiales pour toute internationalisation est simplement humaine. Ne considérez pas que vendre à l’international c’est comme vendre sur votre propre marché, n’ayez pas ce qu’on appelle cette myopie managériale qui biaise vos prises de décision. N’adoptez pas une attitude ethnocentrique. Ne partez pas non plus sur des préjugés ethniques : non, tous les clients de la zone Asie ne se comportent pas de la même façon (vous pensez vraiment que tous les autres Européens ont les mêmes valeurs et croyances que vous ?). Comprenez les spécificités culturelles du ou des pays où vous souhaitez vous développer. C’est peut être l’un des facteurs clefs de succès de l’internationalisation le plus facile à développer mais le moins aisé à appréhender si l’on ne comprend pas naturellement l’importance de se mettre dans les chaussures de l’autre. Et une bourde culturelle est si vite arrivée, il y a des cas célèbres dans l’histoire du marketing international…
Vous l’aurez compris une fois de plus. Il faut préparer le terrain avant de s’internationaliser. Le nombre de démarches à effectuer peut décourager mais dîtes vous bien que nombre d’entre elles sont à faire une fois pour être tranquille quasiment à vie. Etre entrepreneur c’est déjà à la base être multitâches, être un entrepreneur à l’international, c’est presque devenir un homme orchestre. A défaut de développer toutes les compétences en interne, faites vous accompagner par les bonnes personnes : consultants, organismes publics, fédérations, syndicats, transporteurs, avocats, banquiers etc. Développer un réseau de partenaires sur lesquels vous appuyer et sous-traiter les compétences techniques que vous n’avez pas au départ (mais que vous allez développer au fur et à mesure), c’est le nerf de la guerre du néo-exportateur.